Cet article (comme 100% des articles scientifiques sur ce site) a pour but d'informer. En aucun cas, ceci n'est un encouragement à vous faire modifier votre médication habituelle. Consultez toujours votre médecin avant tout changement.
Combien de fois vous a-t-on dit : « votre prise de sang est normale tout va bien ».
Que faut-il comprendre ?
Sur votre feuille de résultats, vous regardez sans doute si vous vous situez entre les valeurs minimales et maximales qui sont données entre parenthèses.
Mais que signifient vraiment ces valeurs ?
Car il faut savoir qu’un grand nombre de celles-ci ne reflètent en réalité pas les seuils pathologiques.
Ainsi, la médecine a énormément progressé depuis les premiers dosages. Nous avons parfois des personnes qui se trouvent dans ces valeurs de référence, mais qui sont tout de même malades sans le savoir.
Il y a aussi des variations des valeurs biologiques en fonction des âges.
Il faudrait donc commencer par se demander si ce dosage qui apparaît « normal » est véritablement normal.
Et ce n’est pas tout.
Si la prise de sang est véritablement normale alors que vous êtes malade et que vous avez des symptômes, ne devrait-on pas considérer que le médecin n’a pas fait les bonnes analyses ?
Car le but des prises de sang, c’est bien de compléter ce qui a été trouvé par l’examen clinique et l’interrogatoire du malade, afin de confirmer l’existence d’une maladie et d’en préciser sa nature.
Par exemple, dans le cas d’une pathologie du foie : si vous faites un dosage des paramètres de la fonction rénale plutôt que celui de la fonction hépatique, le fait qu’il soit normal ne voudra rien dire.
Pourquoi vous devez garder toutes vos prises de sang ?
Beaucoup de patients pensent que la prise de sang perd son intérêt aussitôt après qu’elle a été faite.
Mais c’est faux.
Prenons un exemple.
Vous allez voir votre médecin car vous souffrez de douleurs abdominales intenses, avec de la constipation ou de la diarrhée, et des glaires dans vos selles.
Il suspecte alors une atteinte de l’iléon, c’est-à-dire de la partie de l’intestin grêle où se situe la maladie de Crohn. Il dosera donc la vitamine B12, car une baisse du taux de cette vitamine reflétera une anomalie d’absorption à ce niveau.
Imaginons maintenant que le dosage revienne totalement normal, pas seulement par rapport aux chiffres entre parenthèses, mais aussi aux valeurs reconnues dans les études scientifiques !
On se dira alors que tout va bien à ce niveau et qu’il n’y a pas d’anomalie d’absorption de la vitamine B12…
Grossière erreur !
Car sur une prise de sang d’il y a trois mois, quand vous n’aviez pas encore de douleurs digestives, le taux de vitamine B12 était peut-être deux fois plus élevé (tout en restant dans les valeurs normales).
Ainsi, votre taux aura chuté de 50 % en 3 mois.
C’est donc l’évolution de vos dosages dans le temps plus que le dosage en tant que tel qui est ici révélateur d’une maladie de Crohn.
Il est donc très utile d’avoir des éléments de comparaison pour détecter l’existence d’un problème.
Avez-vous DES PARASITES dans l’intestin sans le savoir ?
Si vous consultez pour de l’urticaire, il est vraisemblable que la cause soit la présence de vers dans l’intestin, qu’on appelle des helminthes.
Tous les médecins savent que les vers dans l’intestin laissent leur empreinte sous la forme d’une augmentation de certains globules blancs : les polynucléaires éosinophiles.
Imaginez que vous faites cette prise de sang et que le résultat revienne normal. Le médecin risque alors de conclure que tout va bien.
Le problème, c’est que les polynucléaires éosinophiles se trouvent dans les organes où se situe le parasite et ne sont donc pas forcément présents dans le sang.
Par ailleurs, c’est surtout au moment où le parasite entre dans l’organisme que le taux de polynucléaires éosinophiles augmente. C’est ce qu’on appelle la courbe de Lavier : un nombre élevé de ces globules blancs au moment de l’entrée du parasite puis un nombre normal par la suite.
Si vous êtes infecté depuis longtemps, vous ne verrez donc pas cette augmentation, à moins de consulter les résultats de vos prises de sang d’il y a cinq ans, huit ans, voire quinze ans.
En cas d’urticaire, l’analyse des polynucléaires ne permettra donc pas d’éliminer la présence d’un parasite, à moins de pouvoir consulter les résultats des dix ou quinze années précédentes.
Elle perd son mari et son travail à cause d’un parasite
Voici l’histoire terrible, tirée du livre "Avez-vous un bon médecin ?", d’une pauvre femme qui souffre d’urticaire depuis 15 ans.
C’est un enfer pour elle et pour ses proches qui ne peuvent plus la supporter. Son mari demande le divorce et son employeur la met à la porte.
Elle consulte tous les médecins pour trouver la cause et le traitement de son urticaire…
Et c’est seulement parce qu’elle fait l’effort de mettre la main sur la prise de sang d’il y a 15 ans que le médecin s'en aperçoit, qu’à cette époque, elle avait eu un taux de polynucléaires éosinophiles très élevés.
Elle se trouvait alors en Thaïlande et elle a attrapé là-bas un parasite, une opistorchiase.
De l’intérêt de faire une analyse des selles
Pourquoi demander une analyse des selles ?
On a longtemps pensé qu’on retrouverait des parasites dans les selles des personnes qui en ont.
Or quels autres êtres vivants que les bactéries vivent dans les matières fécales ?
La réponse est simple : aucun.
Les vers ont besoin de tissus vivants pour survivre. Ils ne sont pas dans les selles, mais sont collés sous les plis de la paroi intestinale, ce qui fait que la quasi-totalité des analyses de selles sont négatives.
En médecine il faut savoir se dire qu’un examen négatif n’élimine pas la maladie.
En fait, tout dépend de la qualité de l’examen.
Pêcher des poissons dans le lac avec une cuillère à soupe
Si vous allez à la pêche avec une cuillère à soupe et que vous ne ramenez pas de poisson, direz-vous qu’il n’y a pas de poisson dans le lac ?
Ainsi, le fait que la plupart des parasitologies des selles soient négatives conduit à une erreur d’interprétation des résultats.
C’est pourquoi très peu de médecins font ce dosage. Pour eux, cette analyse est toujours négative.
À l’inverse, le médecin qui fait la triste expérience de rechercher en vain des parasites dans les selles d’un patient souffrant de démangeaisons à l’anus risque de conclure faussement à des hémorroïdes.
Il ignorera toute sa vie que ce symptôme est pourtant bien en relation avec des parasites (des helminthes), et qu’il faut traiter le malade sans attendre un résultat positif.
Maladies intestinales : ce que la coloscopie ne révèle pas
Je suis toujours étonnée que certains médecins se contentent de déclarer que les souffrances de tel ou tel malade résultent d’un processus de stress, ou que « c’est dans leur tête ».
Il en est ainsi de la plupart des douleurs abdominales qu’on continue encore à appeler "colopathie fonctionnelle", ou "côlon irritable", alors qu’il s’agit dans la plus grande majorité des cas soit d’une entéropathie inflammatoire (de type maladie de Crohn), soit d’une forme particulière d’intolérance au gluten appelée NCGI (non cœliac gluten intolérance).
Alors que le patient a la quasi-totalité des symptômes d’une maladie de Crohn :
- Des aphtes…
- Des douleurs dans le ventre comme des coups de poing, comme des déchirements…
- Des diarrhées avec des glaires…
- De l’anxiété et un comportement dépressif…
- a mal aux articulations…
…certains médecins refuseront pourtant de retenir ce diagnostic même en présence de résultats biologiques (comme les anticorps anti-saccharomyces ou un dosage de la calprotectine, une protéine inflammatoire dans l’intestin), sous prétexte que la coloscopie et d’autres examens morphologiques auront répondu : « colon normal ».
Il est étonnant que ceux-ci ne s’interrogent pas sur les anomalies biologiques observées qui sont à l’évidence en relation avec les symptômes.
Or on sait que dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), la coloscopie est normale dans 50 % des cas !
Pourquoi ?
Car la coloscopie n’explore que la partie terminale du tube digestif et qu’il reste encore au moins 3 mètres d’intestin qui ne sont pas visualisés.
Et même si on faisait une exploration plus complète de l’intestin avec une vidéo capsule ou une entéro IRM, ne peut-on pas concevoir qu’il puisse y avoir une sorte de rhumatismes de la paroi intestinale responsable des symptômes ?
Ce n’est pas parce qu’on ne voit rien qu’il n’y a rien
Prenons cette personne qui a mal au ventre, qui a fait plusieurs cystites et soi-disant mycoses et qui de surcroît a fait des entorses…
Pourquoi faut-il autant de temps pour établir le diagnostic d’intolérance au gluten non cœliaque ?
Tout simplement parce que tous les médecins connaissent la maladie cœliaque, mais peu d’entre eux ont lu les articles médicaux depuis 2015.
Or ceux-ci ont identifié une nouvelle forme de maladie due au gluten : l’intolérance non cœliaque.
Dès lors qu’on peut poser le diagnostic, il suffit d’en faire la démonstration en supprimant le gluten. On sait de plus que cette intolérance survient le plus souvent chez les personnes qui ont une laxité articulaire, notamment les femmes qui font régulièrement ce qu’elles croient être des cystites.
Mais en faisant des analyses d’urine, on s’apercevrait qu’il y a en effet beaucoup de microbes, mais pas ou très peu de globules blancs.
Ce n’est donc pas une infection, mais une fausse cystite.
Il en est de même de la soi-disant mycose, c’est-à-dire des démangeaisons vulvaires.
Celles-ci ne sont souvent pas dues à des champignons vaginaux mais bien à des helminthes intestinaux qui se sont installées parce que la muqueuse est chaude, suintante, et cela à cause du gluten.
Voilà comment il faut raisonner en présence de symptômes : il faut utiliser les analyses biologiques comme des outils, mais non pas comme des marqueurs absolus.
Le classeur du bon patient
Je ne peux qu’encourager les patients à suivre de près l’évolution des mesures qui sont faites au cours du temps.
Si vous avez des parasites, il est vraisemblable que le taux des anticorps immunoglobulines E, mode de réponse immunologique à la présence des vers, sera élevé.
Et si vous voulez savoir si vous avez été efficacement traité, il suffira de contrôler le taux de ces anticorps qui restera encore pathologique, mais dont la valeur aura diminué de façon importante.
Mais pour cela, je vous le dis encore (quitte à me répéter) : gardez précieusement les résultats de toutes vos analyses.
Imprimez-les pour les avoir non pas sur Internet, mais dans un classeur.
Faites une analyse comparative dans le temps des différents dosages, et apportez à chaque consultation la totalité des examens complémentaires.
C’est ce que vous pouvez faire de mieux pour aider votre médecin à vous prendre en charge efficacement.
Lettre du Pr Philippe AMBERT
Texte : Reprise du texte de Philippe AMBERT par Evelyse/Esyleve - Crédits Photos : Evelyse le 27 Juillet 2020 Le Mans
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