Ceci est une fiction  inspirée de faits réels.
Toutes ressemblances avec des personnes existantes ou ayant existées seraient purement fortuites. ^^

Ce vendredi matin là…

J'ai commencé mon travail à 4h du matin.

En effet, je travaille dans "une petite entreprise de transport" à Paris, et nous avions eu des informations comme quoi une opération "coup de poing" de la part des grévistes était prévue sur au moins 3 dépôts de bus, dont 2 dépendent de mon centre. 

Et bien... Ce fut le cas...

Nous étions 2 cadres, et 2 agents de maîtrise de l'encadrement.

Moi, j'étais à ce moment là, la contrôleur de gestion de ce centre... en cours d'accéder à la fonction de "Responsable Administratif & Financier".

Comment résumer la chose ? J'ai vécu "un grand moment"...

Le centre a été bloqué par les manifestants de 4h20 à 7h35.

Dans les manifestants devant le centre : des étudiants, des enseignants, des agents de La Poste encartés NPA...

Dans le dépôt de Bus, en salle des conducteurs, ils étaient une bonne cinquantaine voire plus (peu de conducteurs de Bus d'ailleurs, beaucoup de personnes du ferré et beaucoup de syndicalistes médiatiques).

La réquisition de la Police

Nous avions dû réquisitionner la Police, qui a essayé de les repousser : ils hurlaient aux violences policières dès que la Police approchait, et avaient leurs téléphones portables braqués sur nous et les policiers, en sous-nombre...

Nous n'avions pas la possibilité que des CRS soient mis à disposition, car ils étaient sur Nanterre : il y avait plusieurs actions en simultanées, et donc, pas assez d'effectifs...

Je réussis à négocier une côte mal taillée avec deux agents des syndicats avec qui je m'entends bien : 1 sortie de Bus toutes les 10 min... J'en avais 90 à sortir entre 4h26 et 6h...

Comme les manifestants avaient mis des poubelles devant la sortie du centre, on s'est mis à 2, moi et l'autre cadre, pour balayer et enlever les détritus sous les huées et les insultes des manifestants…

Nous avions pris des balais (le responsable maintenance du centre et moi même) pour dégager la sortie des bus…

Un cordon de policier nous entourait…

Une ordure… parmi les ordures…

Les manifestants se sont mis à vociférer :
"C'est votre place ça… à ramasser des ordures… car VOUS êtes des ORDURES qui DOIVENT RESTER parmi les ORDURES !!!"

C'était juste surréaliste en fait...

Surtout que, très sincèrement, j'étais carrément (avec mon cœur) du côté des manifestants... 
Pour moi, le combat avait un réel sens..

Ayant commencé à travaillé en 2003 dans cette entreprise, j'ai VU au fur et à mesure des années, mes droits (retraite etc... ) disparaître petit à petit... 

J'ai VU les amalgames et les désinformations relayées par les merdias à longueur de temps sur "ma petite entreprise de transport"...

Par moment, je me disais : "mais c'est quoi ce Monde ? où personne ne se renseigne réellement sur ce qui s'y passe ? où les gens suivent comme des moutons ce que leur racontent des journalistes soit stupides, soit vérolés, soit.. .."

Je voyais les incohérences, les infox... et l’agressivité du peuple contre nos agents... "mes" agents.. qui se font insulter, cracher dessus.. qui ont PEUR au bout d'un moment de prendre leur service...

Et que font ils ces gens "grassement" payés ? Ils leur font caca dans la bouche.. (Je sais que tous ne sont pas "grassement payés" hein ^^ Il y a énormément de pigistes qui font ce qu'ils peuvent ^^  et qui sont souvent obligés de suivre les directives de leurs patrons... Comme partout malheureusement...)

Bref... je reprends..

La fatigue était palpable

Les policiers en ont ras le bol…Nous en avions ras le bol... 

Ils n'en pouvaient plus entre les Gilets Jaunes et ce genre d'actions qui se multipliaient depuis 1 mois, alors le fait que j'ai négocié, ça leur convenait bien en fait...

Et moi je me disais que ça allait éviter la violence des deux côtés...

J'ai eu des joutes verbales houleuses, mais bon an, mal an, en 3 heures j'ai réussi à sortir une dizaine de Bus…

C'est un résultat pitoyable, je tiens à le souligner, mais bon...

Les deux autres dépôts à avoir été bloqués ont fait pire puisqu'ils ont été débloqués à 9h30 et 10h...

À 7h35, la commissaire de la Ville est arrivée et m'a dit que c'était très bien ce que j'avais fait, de négocier un blocage filtrant…

L'idée étant de trouver le "point d'équilibre"....

Je lui ai dit que je m'étais faite avoir, que j'aurais dû négocier 1 bus toutes les 5 min..

Elle a souri et elle m'a dit "vous le saurez pour la prochaine fois".

La pièce de théâtre

À la fin du blocage, je croise un des syndicalistes les plus virulents (un jeune de la CGT, un certain Olivier T) qui n'était même pas de mon dépôt, et avec qui je m'étais frittée devant tout le monde pour expliquer ce qu'était le droit de retrait à nos agents versus SA version à lui du droit de retrait.

Pour ultra résumer : le mec les "enduit avec de l'erreur" et leur fait courir le risque de perdre leurs jobs... 
Lui il s'en fiche hein ^^ il est protégé par son syndicat et il est FORME pour manipuler autrui...
Moi, du haut de mes 1m60, j'ai hurlé dans la salle machiniste pour expliquer les risques qu'ils courraient...

Et donc, ce charmant jeune homme, après ce "duel théâtral" ose me dire de manière "sympa" qu'il avait rien contre moi à ce moment là, avec un grand sourire mielleux etc..

Je lui ai répondu : "bah non, c'est un jeu de théâtre je sais... Mais c'est quand même violent votre jeu"

Le TSPT

Je suis rentrée à la maison, j'étais juste dans un état second…

Mon conjoint de l'époque m'a obligée à aller me coucher et il a très bien fait.

J'ai dormi plus de 3h..

Je me lève, mon conjoint était parti faire une course, et je regarde mon fil Télégram où il y a toutes les infos sur la grève.

Et c'est vrai que j'étais tellement "dans le speed" le matin que j'avais plus fait des messages vocaux que des messages écrits.

Et en réécoutant mes messages, j'ai une sorte d'effet miroir...

Je parlais super vite, je me suis trouvée hystérique...

J'ai eu honte de moi....

Genre de "La Vraie Moi" ....

J'ai même appelé le responsable des inaptes du centre (un ancien Gendarme) pour lui poser la question de "est-ce que je paraissais si folle que ça sur les audios ?"

Gentil, il me répond que "non ça va Esyleve :) "

Mon conjoint est rentré, je lui en ai parlé, j'étais en boucle dessus j'avoue...

Alors lui, il s'est mis à taper partout dans la cuisine...

Moi je pleurais, ça m'aidait pas du tout ce qu'il faisait...

Le réflexe : l’IAPR

J'ai eu le réflexe d'appeler l'IAPR pour moi... 

L'IAPR est un organisme spécialisé avec des équipes de psychologues dédiés à la gestion des situations difficiles en entreprise. 

Vu que j'étais cadre opérationnel, j'avais été formé aux astreintes et donc, dès que nous avons un agent en grande difficulté (et cela peut aussi nous arriver en tant que cadre d'astreinte) : nous leur donnons de suite le numéro de cette cellule. 

Je les appelle donc pour... évacuer...

Pour m'entendre dire que j'avais fait de mon mieux et que non, ce que j'avais vécu ce matin n'était pas une situation de travail normale...

Ça m'a fait beaucoup de bien...

J'ai dit à la psychologue de l'IAPR que j'étais déjà suivie par une psychiatre et une psychologue en dehors du boulot...
J'ai pleuré pendant les 35 minutes qu'ont duré l'entretien téléphonique...

Mais ça m'a soulagée....

Et ça continue…

Je suis d'astreinte cette semaine...

On a reçu un message de la PDG de ma "petite entreprise de transport" qui nous demande de tenir le choc car le début de la semaine prochaine sera décisive dans le bras de fer avec les syndicats...

Personnellement, mon chef m'a félicitée, mes collègues agents de maîtrise m'ont dit avoir été impressionnés par mon calme, comment j'avais géré le truc tout ça....

Et pourtant je me disais que j'avais mal fait…

J'ai réécouté les messages vocaux ce matin, ils ne sont pas si catastrophiques que ça...

Je comprends pas bien ce qu'il m'a pris en les réécoutant…

Un manque total de bienveillance avec moi même en fait...

Mais en même temps, je m'étais faite insultée pendant + de 3h..

C'est dur la vie parfois...

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Crédit Photos - Evelyse/Esyleve le 03/01/2020